Scientifique de formation et de métier, j’ai eu l’opportunité de me remettre à la photographie argentique noir & blanc après une coupure de 15 ans. Faire abstraction de la couleur me permet de me concentrer sur les formes, les jeux de lumières ou d’ombres, les textures. La plupart de mes clichés sont pris en mode manuel avec un objectif de 50 mm ; tous sont uniques, développés en chambre noire suivant un procédé simple et très manuel. Le plus important pour moi reste le temps passé dehors, à observer. Je suis aussi conteuse.
Il me semble que la sculpture est en grande partie un travail de la mémoire. J’ai toujours été très impressionnée par les sculptures préhistoriques, même les plus petites, et par l’intensité de ce qu’elles transmettent. Les premières sculptures que j’ai réalisées étaient de petits objets de terre glaise, les mémoires tactiles de chevaux que j’avais connus dans ma jeunesse. Plus tard, par le dessin ou la sculpture, j’ai saisi les moments de tous les jours partagés avec les animaux qui m’entourent. Les bronzes, que j’ai réalisés en collaboration avec une fonderie artisanale, extraient l’essence de cette existence commune. Le temps passe, et certains des animaux m’ont quittée à cause d’une maladie ou simplement parce qu’ils vivent moins longtemps que nous. Les sculptures deviennent alors une célèbration de leur mémoire.
Mon premier travail en tant que photographe a été de documenter l’oeuvre et les modèles de Jess Wallace. Comprendre sa démarche artistique et l’importance du temps passé avec ses animaux m’a appris à jeter un regard different sur la Nature et nous a conduit à collaborer sur un projet d’étude des mondes végétal et minéral, en plus du monde animal. Notre approche est de prendre le temps de regarder, et de regarder assez longtemps pour voir et donc apprécier les êtres très différents avec qui nous partageons la planète, en particulier ces êtres auxquels nous ne prêtons guère attention : les arbres, les plantes, les roches, les animaux de ferme ou domestiques. Ils font encore partie de nos paysages et nous pensons les connaître, mais ils ont une vie et une conscience d’être que nous ne pouvons qu’à peine imaginer. En regardant sans idées préconçues, un changement de perspective s’opère vers une compréhension et un respect croissant. Peut-être l’art offre-t-il là un moyen de remédier à notre isolement du monde naturel qui nous semble à la fois cause et symptôme des nombreuses crises qui touchent les sociétés humaines.
La thématique de l’humain me plaît, l’ambiguïté, la fragilité, la différence sont autant de thèmes qui m’inspirent. La vie avec ses différentes situations est mon sujet de prédilection.
Les volumes papier nécessitent peu de matériau, du fil de fer, du journal, de la colle...
Progressivement les personnages prennent forme.
Le papier aura également son utilité pour unifier l’ensemble.
Les détails s'estompent, le regard, les corps parlent d’eux même.
Des études d'Arts Appliqués m'ont amené à travailler 10 ans dans le domaine de la mode.
Depuis 4 ans, je me consacre exclusivement à mon travail d'artiste plasticienne.
Je travaille différents matériaux et supports dans mon atelier à Toulouse.
La gravure est venue compléter mon univers et depuis peu la sculpture terre et le dessin.
Au travers de mes personnages je m’applique à extraire mes propres ressentis, mes rêves…
Je tente de modeler des hommes qui nous regardent et que nous regardons vivre.
La peinture, par définition, s’est donnée un mouvement sans déplacement, par rayonnement (1), mais en sculpture, le temps est une dimension visible de l’espace.
De cette dichotomie est né le monyalos, structure de verre et de peinture. Peinture sculpturale, il donne une existence visible à ce que la vision profane croit invisible (2) (elle fait que nous n’avons pas besoin de “sens musculaire” pour avoir la voluminosité du monde (3)). Sculpture picturale, il donne une existence invisible à ce que la vision croit visible.
Cette ambiguïté visuelle crée une attraction hypnotique de la forme (peinte d’une pluie de graphèmes) et met le spectateur en orbite. Ainsi l’observateur cherchant le radiant de la sphère contenue dans le monyalos voit la forme s’éclipser dans le vide. Le vide et la forme entrent en résonance et oscillent entre ondes et particules, immobilité et temps, matière et énergie...
(1, 2 & 3 in L’Oeil et l’Esprit, M. Merleau-Ponty).
"Le rapport à la matière est essentiel pour moi, sculpter me permet d'éprouver et d'arpenter le monde.
En regardant un visage, il me semble parfois que c’est un pays, et qu’on peut avoir le vertige en explorant ses gouffres et ses flancs de montagne…
Lorsque la figure surgit, immobile et silencieuse, récif entouré de vide, elle modifie l'espace autour d'elle. Et c'est comme ça qu'elle raconte son histoire, anecdote universelle : paix, douleur, vanité, espérance... A travers mes yeux de femme, c'est généralement le corps des hommes qui est objet de désir, tandis que le corps féminin porte plutôt les interrogations existentielles. Mes sources d'inspiration sont partout : breakdance, mythologie antique, poésie, passants dans la rue..."
Anne Lebreton-Launes